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LA HAINE DE SOI:THÉORIE ET PRATIQUES

  

    

 

 

 

 

 

 

Theodor Lessing et la Haine de soi

Olivier Ypsilantis

15 oct., 2017

 

Cet article correspond pour l’essentiel à des notes prises au cours de la lecture de l’imposant ouvrage signé Maurice-Ruben Hayoun : ‟Les Lumières de Cordoue à Berlin” sous-titré ‟Une histoire intellectuelle du judaïsme”.

 

Cette situation entre judéité et germanité a engendré le Jüdischer Selbsthaß, pour reprendre l’expression de Theodor Lessing. Cette haine très particulière procède du siècle dit ‟des Lumières” qui à bien y regarder n’était pas exempt de ténèbres, de sourdes et lourdes menaces. La grimace sous le sourire en quelque sorte. Ce siècle des Lumières exigeait des Juifs qu’ils s’effacent en tant que Juifs afin d’être présentables…

 

Maurice-Ruben Hayoun a traduit de l’allemand, annoté et présenté le livre de Theodor Lessing intitulé ‟La Haine de soi : le refus d’être juif” (‟Der jüdische Selbsthaß”), un livre écrit trois ans avant l’accession de Hitler au pouvoir. L’auteur y présente six Juifs emblématiques selon lui de cette haine : Paul Rée, Otto Weininger, Arthur Trebitsch, Max Steiner, Walter Calé, Maximilian Harden. Theodor Lessing écrit : ‟Mais je souhaiterais croire que même une confession aussi sincère et aussi belle que celle de la double appartenance de Jakob Wassermann, dans son livre ‟Mon chemin comme allemand et comme juif” (‟Mein Weg als Deutscher und Jude”), demeure tout simplement comparable à ces douloureux jeux de pistes qui recueillaient jadis la faveur de nos grand-mères et que l’on nommait ‟jeu du bateau”. Le joueur était censé être dans un bateau en train de couler, avec la possibilité de ne sauver qu’une seule des deux personnes qui lui étaient également chères. Il devait répondre à cette grave question de conscience, choisir entre le frère ou l’ami, la mère ou la fiancée.”

 

Lessing ? Étrange nom pour un Juif. Comme dans de nombreuses familles juives des bords du Rhin, les ancêtres de Theodor Lessing avaient choisi d’eux-mêmes le nom Lessing porté par l’ami de Moïse Mendelssohn, Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781), fils de pasteur et auteur de ‟Nathan le sage” (‟Nathan der Weise”). D’autres Juifs allemands avaient choisi le nom Schiller, l’un de ces noms qui leur faisaient espérer l’Émancipation sous le doux rayonnement des Lumières…

 

Quelques repères biographiques. En 1900, Theodor Lessing épouse une jeune fille issue d’une famille de junkers, Maria Stach von Goltzheim. Les parents acceptent mal que leur fille épouse un roturier, juif de surcroît. Afin de subvenir aux besoins du couple, Theodor Lessing devient pédagogue dans un Landschulheim Haubinba dont le directeur est abonné au journal antisémite de Theodor Fritsch, ‟Der Hammer”. Theodor Lessing finit par démissionner après avoir espéré le soutien des parents d’élèves juifs, en vain : ceux-ci préfèrent penser que leur progéniture ne risque rien. Pour Theodor Lessing, ces parents ne sont pas seulement victimes d’un leurre, ils laissent leur amour-propre au vestiaire. Joseph Roth vivra une expérience plus déprimante encore au cours d’une entrevue avec un banquier juif lui déclarant ne pas être ému par la venue au pouvoir de Hitler car ce dernier se contenterait éventuellement de tuer quelques Ostjuden mais que les Juifs comme lui seraient protégés par leur statut social… Joseph Roth finira par gifler son interlocuteur en le traitant de Saujude avant de quitter la pièce.

 

Les Juifs étaient sommés de choisir ‟entre le smoking et le caftan” — l’expression est de Karl Kraus — mais confits en dévotion devant la culture allemande, nombre d’entre eux s’imaginaient que les œuvres de Gotthold Ephraim Lessing, Friedrich Schiller et Johann Wolfgang von Goethe étaient les livres de chevet du peuple allemand.

 

Theodor Lessing remarque que si l’on fait grand cas des bienfaits de l’Émancipation, on ne s’attarde pas sur le prix à payer pour en bénéficier. Il jette l’opprobre sur ces Juifs qui préfèrent le luxe et le confort des villes de l’Occident et qui oublient la route de Jérusalem… Il observe d’ailleurs que les Ostjuden considèrent avec suspicion l’Occident et ses paillettes et il s’interroge. En 1906, il se rend en Galicie. De retour, il publie un compte-rendu de ce voyage, des pages sans complaisance.

Alors traité ‟d’antisémite juif”, Theodor Lessing s’explique dans l’‟Allgemeine Zeitung des Judentums”. Il déclare par ailleurs que l’hyper-productivité juive en Allemagne est une manière pour les Juifs de se vendre au pays et il s’en prend au plus célèbre critique littéraire d’alors, Samuel Lublinski, l’un des premiers à signaler l’importance des ‟Buddenbrook”. Thomas Mann prendra tout naturellement la défense de son critique dans une réponse cinglante à Theodor Lessing.

 

Mais ce dernier va affronter des ennuis autrement plus sérieux. En 1925, il s’en prend au Generalfeldmarschall Hindenburg, dans un article où il le compare à l’assassin Fritz Haarmann qui avait tué et dépecé des dizaines de personnes entre 1918 et 1924. Il ignore qu’il a presque signé son arrêt de mort. La presse se déchaîne. On l’agresse sur la voie publique et dans les transports en commun. On brise les vitres de sa maison. Theodor Lessing qui avait été nommé professeur extraordinaire à la Haute École Technique de Hanovre est invité par le ministère à se faire oublier en abandonnant ses cours pour se consacrer à la recherche. En 1930, il fait paraître ‟Der jüdische Selbsthaß”. Le 31 janvier 1933, il publie un pamphlet contre le nouveau régime. Le 2 mars de la même année, il comprend qu’il lui faut quitter l’Allemagne. Le 30 août suivant, il est assassiné par des nazis, à Marienbad.

 

Pourquoi Theodor Lessing a-t-il écrit ‟Der jüdische Selbsthaß” ? Parce qu’il en était lui-même affecté, nous dit Maurice-Ruben Hayoun, mais aussi parce qu’il avait pris conscience (surtout après l’affaire de 1925) que ses ennemis n’avaient vu en lui que le Juif et en aucun cas le professeur et le critique. En 1932, suite à un voyage en Palestine, il écrit ‟L’insoluble question juive” où il expose méthodiquement les contradictions propres aux Juifs et les solutions proposées. Des Juifs s’envisagent simplement comme une communauté religieuse tandis que d’autres s’envisagent comme un peuple avec un territoire et une langue. Et les solutions ? L’assimilation. Mais Theodor Lessing a des antennes fines et juge l’assimilation comme dangereusement ambiguë. Par ailleurs, il ne se laisse pas prendre aux grands mots du communisme et malgré quelques réserves, il opte pour le sionisme après avoir observé de jeunes Juifs faisant verdir le désert.

 

L’Émancipation est un piège, estime Theodor Lessing, car on a émancipé les Juifs sans émanciper le judaïsme, sans lui accorder — en tant que religion — les mêmes prérogatives que le christianisme. Tout en louant l’action de Moïse Mendelssohn et de Gotthold Ephraïm Lessing, il prend du recul par rapport à la religion universelle de la raison censée combler et aplanir ce qui sépare. Certes, les Lumières ont fait tomber les murs du ghetto et en ont fini avec les lois spécifiques aux Juifs, avec le statut servile et les impôts prélevés sur leurs déplacements, mais dans un même temps ‟le droit talmudique n’intéressa plus que les érudits et les petits-fils de Moïse Mendelssohn n’étaient plus juifs.” C’est l’Émancipation qui a fait naître cette idée du Luftmensch, un homme capable de surpasser les autres dans tous le domaines mais qui n’en reste pas moins un Luftmensch. C’est cette tension entre deux mondes qui engendre la haine de soi-même. Le Juif doit croître sur un terreau qui le repousse. Une telle situation, nous dit Theodor Lessing, ne peut que conduire à l’automutilation, alors que celui qui est pleinement accepté par son peuple, sans arrière-pensée, se sent extraordinairement assuré.

 

 

 

HAINE DE SOI ET ANTISÉMITISME JUIF

Maurice Einhorn

Times of Israel, 11 juin, 2015   

 

 

Les auteurs d’écrits antisionistes et antisémites se défendent fréquemment en renvoyant à des militants ou auteurs juifs qui ont tenu des propos pareils aux leurs. C’est l’occasion de s’étendre sur les concepts de haine de soi et d’antisémitisme juif.

 

Dans ma précédente livraison je citais en fin d’article l’alibi que constitue pour bien des antisémites et antisionistes le cas des Juifs qui hurlent avec les loups dès lors qu’il est question d’Israël et du sionisme. Le concept de haine de soi a été popularisé par Theodor Lessing, auteur d’un livre publié en 1930 et intitulé Der Jüdische Selbsthaß.

 

Une citation extraite de cet ouvrage fondamental suffit à circonscrire le problème de la haine de soi des Juifs. Lessing écrit en effet que : « le peuple d’Israël est le premier, le seul peut-être de tous, qui ait cherché en soi-même la coupable origine de ses malheurs dans le monde. Au plus profond de chaque âme juive se cache ce même penchant à concevoir toute infortune comme un châtiment. »

 

Lessing fut assassiné en 1933 par des sympathisants nazis. Déjà Sigmund Freud, dans Moïse et le monothéisme évoquait ce problème, en citant notamment Saul de Tarse, ce Juif qui deviendra Paul : « Nous sommes si malheureux parce que nous avons tué Dieu le père. »

 

Des siècles d’antisémitisme, souvent extrêmement virulent, se manifestant pour le moins par une exclusion totale de la société chrétienne, ont amené certains Juifs à assimiler cette haine dont ils faisaient l’objet en la faisant leur. On peut logiquement parler à cet égard d’« antisémitisme juif » ou d’auto-antisémitisme ».

 

Le site anti-boycott anglais Engage, qui se présente comme partisan de la paix et non d’une des deux parties combattantes, cite ainsi le cas du musicien Yaron Stavi, qui joue avec le violoniste Nigel Kennedy, grand partisan du boycott d’Israël. Stavi fait partie de l’écurie musicale de Gilad Atzmon, lui-même négationniste résolu et propagateur du Protocole des Sages de Sion. Et tous d’approuver tacitement un article du journal The Morning Star, où il est question de « zionazis ».

 

Plus parlant encore est le cas d’Israël Shamir, à propos de qui Dominique Vidal écrit en 2003 dans le Monde diplomatique : « Certains diffusent via Internet des textes ouvertement antisémites, comme ceux de l’intellectuel juif russo-israélien Israël Shamir : ils ne peuvent, ce faisant, que susciter la réprobation générale et discréditer le combat pour le droit à l’autodétermination du peuple palestinien dont ils se réclament. »

 

Ilan Pappé, historien israélien, appelait, lui, il y a quelques années déjà, au boycott des universités israéliennes. Le célèbre linguiste américain Noam Chomsky a, lui aussi, écrit des textes antisionistes implacables où il voue Israël aux gémonies. Il figure d’ailleurs également parmi ceux qui ont toujours nié le rôle de Ben Laden dans l’attaque contre le World Trade Center en 2001.

 

 

 

HAINE DE SOI : ENCORE UN…

Norbert Cohen

JSS, 4 sept, 2015

 

 

Edgar Morin, de son vrai nom Edgar Nahum, est né à Paris en 1921. Sa famille était originaire de l’illustre communauté juive de Salonique, en Grèce. Sociologue et philosophe, c’est un intellectuel apprécié et écouté. Mais lorsqu’il évoque son identité ou sa vision d’Israël, toute réflexion est bannie. Il n’obéit plus qu’à ses pulsions haineuses.

 

Ses positions ressemblent à celles des propagandistes du nouveau fascisme français : l’« humoriste » Dieudonné et son inspirateur, l’essayiste « rouge-brun » Alain Soral. Edgar Morin a d’ailleurs eu, lui aussi, des déboires judiciaires pour incitation à l’antisémitisme et au terrorisme. Ennemi juré du sionisme, il prétend que l’existence d’Israël découle purement et simplement de la culpabilité de l’Occident après la Shoah.

 

Une injuste « compensation » à ses yeux. Plus encore : en occupant la Terre Sainte, les Juifs se rendraient coupables d’« ingratitude » à l’égard des musulmans qui les auraient « toujours protégés ». Deux contre-vérités historiques qui n’embarrassent nullement ce grand érudit. Depuis une quinzaine d’années, il ne cesse de signer ou cosigner des publications anti-israéliennes, en compagnie d’écrivains appartenant à la sphère islamo-gauchiste, comme Sami Naïr, Tariq Ramadan ou Danièle Sallenave, soutiens du Hamas et du Hezbollah.

 

En vieillissant, il semble atteint du même syndrome que Jean Daniel ou feu Stéphane Hessel : sa haine grandit, son obsession croît au point d’occuper son esprit en permanence.

 

Il alimente notamment les colonnes du sinistre Monde Diplomatique, mensuel antijuif survivant d’un tiers-mondisme radical qui a quasiment disparu ailleurs en Europe, mais qui trouve encore des adeptes dans l’extrême gauche française.

 

En vérité, Edgar Morin a une idée bien précise de son identité, même si son inculture abyssale en matière de judaïsme est flagrante : « Je romps avec le peuple élu, a-t-il écrit, mais je demeure dans le peuple maudit ». En effet, le philosophe se vit comme un « post-marrane », incarnation contemporaine de ces Juifs de la péninsule ibérique naguère convertis au christianisme, contraints d’oublier peu à peu leurs traditions ancestrales.

 

La problématique soulevée par Edgar Morin est double. D’une part, contrairement aux marranes, personne ne l’a forcé à renier ou ignorer la foi et les principes de vie de ses aïeux. En second lieu, il fait de cette ignorance non pas un sujet de honte – ce qui serait normal pour un intellectuel, par définition curieux -, mais au contraire un étendard ! Il souhaiterait que tous les Juifs soient comme lui, des « Juifs non-juifs », selon l’expression de son ami Jean Daniel qu’il a souvent reprise à son compte.

 

Pour résumer : selon Edgar Morin, un Juif s’assumant comme tel et attaché à l’histoire de son peuple serait un… mauvais Juif. Le « bon Juif », dans son esprit, est l’israélite assimilé (version 19ème siècle), invisible et hostile à toute revendication nationale ou cheminement spirituel rappelant, de près ou de loin, cette judéité honnie.

 

En d’autres termes, le philosophe s’inscrit dans la droite ligne de l’antijudaïsme chrétien qui a donné naissance à l’antisémitisme moderne : les Juifs ne sont tolérables qu’à condition de se renier eux-mêmes. Cachés, persécutés, « maudits », ils sont sympathiques. En s’organisant en communautés ou en Etat-nation, à l’instar des Israéliens, ils sont affublés de tous les défauts du monde. Ainsi, Edgar Morin n’hésite pas à écrire, à propos du « cancer israélien » : « Les Juifs de ce pays, descendants des victimes d’un apartheid nommé ghetto, ghettoïsent les Palestiniens ». Un raccourci saisissant qui est aussi l’« argument », ou plutôt le prétexte favori des mollahs iraniens et de ceux qui souhaitent, à travers la planète, la disparition d’Israël.

 

 

QUE NOUS VEUT SHLOMO SAND ?

Yaïr Biran-Herzlya

danilette, 28 aout., 2013

 

 

Peu connu auparavant, l'historien israélien Shlomo Sand, aux "origines juives autrichiennes" comme il l'a dit lui-même, s'est fait une réputation grand public en publiant chez Fayard (important éditeur dans le domaine de l'Histoire) son livre "Comment le peuple juif fut inventé" (2010).

 

Il a récidivé ces jours-ci avec la publication d'un autre brûlot, "Comment j'ai cessé d'être Juif" (Flammarion, 2013). Entre les deux, il y a eu aussi "Comment la Terre d'Israël fut inventée". On peut donc dire qu'il a rapidement progressé dans son entreprise de déconstruction du peuple juif !

 

A ses débuts, Sand avait commencé par s'intéresser de près aux idées et à la biographie de Georges Sorel (1847-1922), ingénieur et penseur français du marxisme et surtout du syndicalisme révolutionnaire, et dont le principal ouvrage s'appelle "Réflexions sur la violence". Sorel fut un défenseur des Bolchéviques et un admirateur de Lénine – mais d'un autre côté, Mussolini aussi se targua de l'admirer.

 

On voit de ce qui précède que Sorel fut un "compagnon" et un inspirateur de mouvements extrémistes de gauche comme de droite, il fréquenta même un certain temps des membres de l'Action Française de Charles Maurras, notoirement antisémite. Il faut préciser que Shlomo Sand est né à Linz, en Autriche, de parents communistes qui allèrent vivre en Israël, sans doute "faute de choix", mais sans jamais abandonner leurs idées. Lui-même fit des études d'Histoire à l'Université de Tel-Aviv (où il est aujourd'hui professeur), ainsi qu'à Paris.

 

En préparant "Comment le peuple juif fut inventé", Sand a réuni toute une série de recherches, études et thèses cumulées et écrites avant lui – dans le but d'étayer sa propre théorie sur le "caractère factice et disparate" du concept de peuple juif, créé selon lui de toutes pièces par des historiens et idéologues juifs du 19ème et du 20ème siècles, désireux d'inventer un nationalisme juif inexistant avant eux.

 

Il se trouve que moi aussi, j'ai pris connaissance d'une grande partie de cette littérature, il y a 30, 40 ans et même plus que cela. Donc, aucune nouveauté dans tout ce matériau. Toute la différence réside dans la lecture qu'on en fait, dans l'interprétation. Choses qui dépendent énormément des mobiles et des intentions de celui qui se livre à ladite interprétation, de son ouverture d'esprit et surtout de sa droiture.

 

Il serait bon de se référer en la matière au livre de l'éminent historien Marc Bloch (1886-1944), co-fondateur de la célèbre revue des "Annales", "Apologie pour l'Histoire" – où il traite des exigences du métier d'historien .

 

Il faut dire que Shlomo Sand lui-même est plutôt franc sur ses mobiles. Son avant-propos commence par une citation de Karl W. Deutsch : "Une nation […] est un groupe de personnes unie par une erreur commune sur leurs ancêtres, et une aversion commune envers leurs voisins".

 

Sand ne croit pas si bien dire : il veut que cet adage s'applique à sa démonstration sur le caractère artificiel de la nationalité juive, bâtie notamment sur la "haine du voisin" – mais quand on y réfléchit un tant soit peu, on comprend que c'est valable à peu près pour toutes les nationalités et tous les peuples : "on ne se pose qu'en s'opposant" !

 

Après tout, c'est aux Athéniens antiques que nous devons les termes de métèques, barbares, autochtones et xénophobie, qui tournent tous autour du rejet de l'étranger, de la protection exclusive de "votre" tribu !

 

Elève entre autres de Saül Friedlander, grand spécialiste du Nazisme et de la Shoah, à l'Université de Tel-Aviv, j'ai appris chez ce dernier qu'il existe toujours plusieurs écoles historiographiques, qui analysent chacune de manière différente les mêmes événements ou périodes historiques. L'Histoire humaine est peut-être une dans ses fondements – mais elle est plurielle dans ce que chacun en comprend. Chacun a une "mémoire sélective", des idées et des sentiments personnels, une idéologie forte ou faible – éléments qui peuvent d'ailleurs varier avec le temps.

 

Par exemple, le Nazisme a été expliqué de manières différentes par les historiens marxistes, par ceux de l'Histoire des idées, les psycho-historiens, ceux de l'influence des climats à la manière de Condorcet, ou les adeptes de l' "Ecole des Annales" fondée par Marc Bloch et Lucien Febvre (l'Histoire totale).

 

De facto, chaque historien choisit les faits qui lui paraissent importants – et écarte les autres. Pour lui, c'est son choix qui est le bon, qui est pertinent et fait autorité. Il n'y a pas d'Histoire innocente, la bonne est tout simplement la votre .

 

Pour moi, il ne fait aucun doute que Shlomo Sand a complètement raté son analyse du "fait juif". Quand il emploie le mot de "peuple", il est tout près de lui appliquer la "conception raciste" qui était celle d'Hitler, des Nazis et de leurs compagnons de route – une conception fondée sur l'existence de prétendues "races", de prétendus liens biologiques indélébiles, irréfragables !

 

Or de nos jours, les chercheurs éclairés ne soutiennent plus du tout cette approche génétique de l'Histoire des hommes : les Nations et les peuples sont considérés comme des "représentations mentales collectives", des créations de l'esprit autant qu'elles sont le fruit de regroupements humains dictés par le hasard et la nécessité – géographiquement, aux plans économique, linguistique, culturel, etc.

 

Je fais donc miennes les affirmations ironiques de Karl Deutsch, en ajoutant cependant que ce n'est pas tout. Dans son ouvrage sur "L'institution imaginaire de la société" , Cornelius Castoriadis a particulièrement étudié et analysé le fait que les sociétés humaines sont toutes des agrégats fondés sur des liens mentaux, sur l'imaginaire de ses membres. Selon lui, la société humaine constitue ontologiquement un « niveau d'être » sans équivalent.

 

Elle n'existe certes que par les individus qui la composent, mais elle est autre chose que la simple juxtaposition de ces individus, ne serait-ce qu'en ce que c'est la société qui forme les individus en tant que tels, dans un processus où l'enfant, d'abord centré psychiquement uniquement sur lui-même, subit une socialisation dans laquelle le "message social" est totalement intégré à son univers mental !

 

De plus, selon Castoriadis, les sociétés sont nécessairement historiques, ce qui signifie qu'elles s'inscrivent dans une dynamique d'auto-altération, aussi bien de leurs significations imaginaires sociales (celles-ci qui confèrent un sens à la réalité, à la société elle-même ou encore à l'existence individuelle) que des institutions qui les incarnent (qui en sont les porteuses) – et ce, quand bien même ces transformations sont minimes et/ou niées par les sociétés en question, comme c'est le cas des sociétés traditionnelles ou dites primitives. C'est en ce sens que Castoriadis parle de social-historique.

 

Autrement dit, les sociétés résultent d'un processus d'auto-création, etdonc, en l'occurrence, d'auto-institution. Il distingue entre la Nature, qui existe avant l'être humain et obéit à des lois physiques qu'il reste juste à découvrir – et l'Humain qui se comporte d'une manière fondamentalement différente, parce qu'il résulte d'une autoproduction . Par définition, une société humaine ne peut pas rester fixe et immuable, elle évolue sans cesse, même si tout ou partie de ses membres nient et rejettent le changement !

 

Si l'on en revient à Karl Deutsch, on s'apercevra que sa boutade s'applique en fait presque à tous les peuples, sinon tous ! Prenons l'exemple du peuple français : il est avéré qu'il a des ancêtres gaulois, mais on ne sait pas à quel point ils étaient mâtinés des habitants qui les avaient précédés dans l'hexagone (Ibères ?) ; vinrent ensuite les Romains, puis les "envahisseurs" Francs, Wisigoths, Burgondes, certes minoritaires par rapport aux gallo-romains ; les Normands ("nortman"), les Bretons venus-revenus de Grande Bretagne, les Alsaciens du groupe alémanique, les Basques totalement inclassables ; et aux Temps Modernes viennent s'ajouter des Néerlandais, des Italiens, des Polonais, des Russes, des Arméniens, des Espagnols, des Portugais, des Vietnamiens…

 

La liste est longue, et que dire de tous les allogènes des quatre coins du monde arrivés en France depuis 1945 ? Le peuple allemand aussi est loin d'être homogène, les traces des anciennes tribus germaniques n'ont pas totalement disparues : Bavarois (jusqu'à ce jour, on est Bavarois avant d'être allemand), Saxons, Thuringiens, Souabes, Alamans, Franconiens (Francs), Frisons et autres, sans compter quelques îlots slaves résiduels de Sorbes et de Liutizes. Lui aussi a absorbé toutes sortes d'immigrants, tels les Huguenots français chassés par Louis XIV (ce sont eux qui firent la grandeur de la Prusse luthérienne !).

 

Ce n'est pas mieux pour le peuple britannique, si tant est qu'il mérite ce nom. Ses ancêtres sont les Brittons (Bretons) celtes, sur lesquels vinrent se greffer les Angles, Saxons, Jutes, Danois, Norvégiens et enfin les Normands. Les populations celtes furent refoulées au Pays de Galles, en Cornouailles, en Ecosse et en Irlande, où elles subsistent toujours. D'où le Royaume Uni.

 

Pour aller plus loin, faut-il parler ici des Etats-Unis et du Peuple américain, véritable mosaïque d'identités ethniques, religieuses, linguistiques – où les WASP (White Anglo-Saxon People) ne sont même plus majoritaires à l'heure actuelle ? Jusqu'à nouvel ordre, ce peuple reste uni par un patriotisme fédératif très spécifique, où chaque composante conserve certains caractères distincts.

 

Les Etats-Unis sont un Etat fédéral, mais ils ne sont pas les seuls, on peut ajouter le Canada, le Brésil, l'Union Indienne, l'Australie – et l'Allemagne ! D'autres pays ont des problèmes de différenciation qui les poussent vers la fédéralisation, ou l'octroi de l'autonomie à telle ou telle province.

 

Pour ma part, j'estime que Shlomo Sand est de ces "Juifs de naissance" qui récusent leurs origines et veulent divorcer totalement de ces dernières, phénomène que l'on a déjà qualifié dans le passé de "haine de soi" : un Juif qui ne veut "plus être identifié avec toutes les tares et tous les crimes dont sont accusés les Juifs en général". Qui quitte sa peau et en revêt une autre.

 

Il marche en cela sur les traces de Nicolas Donin, juif "français" converti au catholicisme qui diffama ses anciens congénères et provoqua le "Procès du Talmud" à Parisen 1240, devant le roi Saint Louis (lui-même !) – ensuite de quoi le Talmud fut brûlé en Place de Grève, ce qui était une première historique .

 

Sand est une sorte de réincarnation de ces incendiaires qui boutent le feu contre les Juifs. Aucun sentiment, aucune pitié, rien que la haine qui prétend ne pas en être. Donin ne fut pas le seul, d'autres suivirent, sous toutes les latitudes et en des temps divers. Le martyrologue de leurs victimes est fort long.

 

Après tout, vouloir quitter le peuple juif – création avant tout mentale et imaginaire, je le répète, même avec ou sans la religion – est à la portée de tout un chacun. Il y a toujours eu des abandons de cette sorte, collectifs ou individuels.

 

Il y a eu des conversions-départs au Christianisme au long des siècles (en masse !), vers l'Islam – Sabbetay Zevi, d'abord Messie autoproclamé, devint finalement Mahométan – puis de nouveau au Christianisme aux 19ème et 20ème siècles européens. Chacun est libre de partir, de devenir agnostique, communiste, bouddhiste, etc.

 

La religion juive elle-même, à la différence de l'Islam, ne condamne pas à mort celui qui la quitte : d'une manière surprenante et paradoxale, elle admet que la non-pratique des rites n'exclut personne du peuple juif – seuls les milieux religieux rigoristes et extrémistes excommunient les renégats ! M. Sand, vous pouvez vous en aller – Adieu, sans Au revoir !

 

Logiquement, Shlomo Sand vient donc de publier "Comment j'ai cessé d'être Juif". Nous enregistrons qu'il ne l'est plus, il n'est donc rien d'autre qu'un vil détracteur et diffamateur du fait juif – du peuple juif. Jean-Paul Sartre lui rappellerait que c'est "l'autre (= l'antisémite) qui fait le Juif", je pense que personne ne le dispensera de ses origines – au contraire, une foule d'antisémites et "anti-israéliens" vont exploiter ses exploits littéraires pour clouer Israël et les Juifs au pilori.

 

Ces gens ne font pas dans le détail, ils font flèche de tout bois. Ce n'est pas le moment d'élever un monument à la gloire de M. Sand ! J'oubliais : Sand doit gagner beaucoup d'argent avec sa trilogie, tout un public qui n'attendait que ça s'arrache ses bouquins.

 

 

ACTUALITÉ

 

 

 

LE CHEF DE L'OPPOSITION ISRAELIENNE YITZHAK HERZOG EST SORTI DE L'HOPITAL

I24, 4 fev, 2017

 

Le chef de l'opposition parlementaire israélienne, le président de l'Union sioniste Yitzhak Herzog a annoncé samedi après-midi sur son compte twitter être sorti de l'hôpital après une série d'examens, et a fait savoir qu'il se sentait tout à fait bien. Herzog a été hospitalisé vendredi soir au centre médical Ichilov de Tel Aviv, après un malaise, avait déclaré son porte-parole.

 

Selon le personnel médical, les résultats d'analyses suggéraient qu'Herzog, âgé de 56 ans, avait subi un "accident vasculaire cérébral bref et léger", mais qu'il "se sentait à présent tout à fait bien et en mesure de communiquer avec son entourage".

 

Plus tard dans la soirée, Yitzhak Herzog avait lui-même tweeté qu'il se sentait mieux. "Ce soir, je me suis senti mal, je me suis rendu à l'hôpital accompagné de [ma femme] Michal, par simple précaution. Je fais des examens, et je vais mieux. Merci à tous et au personnel médical. Shabbat Shalom".

 

 

 

ATTAQUE TERRORISTE À PETAH TIKVA : LE HAMAS SALUE UNE « OPÉRATION HÉROÏQUE »

Times of Israel, 9 fev., 2017

 

 

Six personnes ont été blessées jeudi quand un Palestinien a ouvert le feu et attaqué des passants au couteau sur le marché de Petah Tikva près de Tel-Aviv, a indiqué la police israélienne.

 

Un suspect de 19 ans, originaire de Cisjordanie, a été arrêté par la police sur les lieux. Il avait d’abord été maîtrisé par des passants avant que les policiers ne l’arrêtent l’arme à feu à la main, a dit la police. Les victimes souffrent de blessures modérées ou légères, a précisé la police. Certaines des victimes ont été blessées par balles, une au moins au couteau, et une dernière a reçu des coups, d’après la police.

 

Deux des victimes signalées par le Magen David Adom, sont deux hommes dans la cinquantaine, ayant subi des blessures modérées. Les ambulanciers et United Hatzalah ont traité une victime de sexe masculin poignardée au couteau sur la rue Berkowitz à Petach Tikvah, ainsi qu’une femme qui a été blessée dans le bas de son corps sur la rue Baron Hirsch.

 

Le terroriste palestinien se serait échappé dans la rue Hovei Tzion, à proximité, avant de blesser d’autres passants. Il a ensuite été arrêté. Zev Topper d’United Hatzalah a expliqué que l’un des patients traités avait été blessé par des passants qui l’ont confondu avec le terroriste. Le patient a déclaré qu’il a crié : « Je ne suis pas le terroriste. Je pourchassais le terroriste. »

 

Gal Dover, un paramédic d’United Hatzalah qui a répondu à l’incident, a déclaré : « Alors que je soignais une femme pour des blessures par balles à ses jambes, le centre d’expédition de United Hatzalah m’a informé moi et mes collègues qu’il y avait d’autres blessés. Après avoir fini de traiter la femme, j’ai couru vers l’autre scène où j’ai traité un homme pour une blessure à la tête mené au couteau. D’autres volontaires d’United Hatzalah ont traité d’autres personnes blessées sur les scènes, dont certaines ont été traitées pour choc. »

 

Les victimes ont été évacuées vers l’hôpital Beilinson de la ville, a déclaré la police israélienne. La police a confirmé la nature terroriste de l’attaque menée à l’aide d’une arme à feu et de couteau.

 

Le porte-parole du mouvement terroriste palestinien du Hamas dans la bande de Gaza, Fawzi Barhoum, a réagi à l’attaque de Petah Tikva en parlant d’une « opération héroïque qui constitue une réponse aux crimes de l’occupation » israélienne. L’ambassadeur israélien aux Nations Unies a appelé le secrétaire-général de l’instance internationale à condamner l’attentat perpétré à Petah Tikva et le Conseil de Sécurité de l’ONU à débattre des incitations à la violence palestiniennes.

 

“Un Palestinien de 18 ans rempli de haine a attaqué en ce jour des Israéliens innocents. L’attentat terroriste est le résultat direct d’incitations continues de la part des dirigeants palestiniens à la violence”, a expliqué l’ambassadeur Danny Danon dans une déclaration.

 

« La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates et décisives contre ces incitations avant que cela n’amène à davantage d’effusions de sang. »

 

Le président Reuven Rivlin a souhaité un rétablissement rapide aux victimes de l’attentat terroriste de Petah Tikva, saluant les citoyens qui ont neutralisé l’attaquant présumé. “Les ressources et le courage des citoyens d’Israël ont une fois encore empêché un grave attentat à Petah Tikva,” a-t-il dit.

 

 

 

Shabbat Shalom!
 

 

 

 

 

 

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